Les bases de l’édition — Les césures

Vous avez remarqué lors du guide précédent que nous avons utilisé des césures, c’est ce qui consiste à couper un mot avec un tiret en fin de ligne.

Les césures font appel à tellement de règles que nous devons dédier un guide à expliquer comment ça marche.

Cette partie fait appel à pas mal de compétences du domaine de la correction. Aussi, nous vous en voudrons pas que vous survoliez un peu ce guide. En revanche, si vous faites du contrôle qualité, on vous demandera de veiller à respecter au maximum ces règles (même si des oublis peuvent arriver, on est humains !).

À noter que dans les webtoons (coréens), compte tenu des bulles très larges, les césures sont rares donc vous pouvez passer directement au paragraphe sur les retours à la ligne et la ponctuation, si vous n’êtes pas confronté à cette situation.


Première règle : on évite les césures.

Ça peut paraître bête, mais on va chercher un maximum à ne pas en utiliser, car cela ralentit la lecture.

Alors on s’interdira de faire trois césures à la suite, ce qui serait particulièrement insupportable à lire. Si vous vous retrouvez avec une situation comme celle-ci, réfléchissez à une autre façon de faire votre forme et vos retours à la ligne.

Ensuite, en théorie, deux césures à la suite, ce n’est pas non plus permis, mais on sait qu’avec des espaces aussi limités, et venant de manga se lisant à la verticale, on s’éloigne un peu des conventions générales de l’édition, et il sera très délicat de respecter en permanence cette règle.


La césure de mots

Pour la plupart des mots, on découpe selon les syllabes.

  • Exemples : chi-/rur-/gien, fan-/tôme.

C’est la seule règle que vous devez absolument retenir. Les règles suivantes sont des cas particuliers que vous ne pourrez pas retenir à la première lecture. Alors en attendant de les intégrer, ou si vous avez un doute, utilisez ce site :

https://www.silabas.net/index-fr.php

Bien entendu, ceci n’est pas possible sur le long terme, car vous passerez votre temps à utiliser le site à chaque mot ou presque, alors pensez à relire régulièrement les règles qui vont suivre.

Pour les mots composés, on tient compte de l’étymologie.

  • Exemples : trans-/action, mal-/ade, caou-/tchouc, in-/justice, atmo-/sphère.
  • Exception : la prononciation l’emporte sur cette règle.
    • Exemples : des-/cription, des-/truction.

Lorsque trois ou quatre consonnes se suivent, on coupe après la deuxième :

  • Exemples : ins-/pection, ins-/truction.
  • Exception : s’il s’agit d’un son unique.
    • Exemples : am-/phibien, ap-/plication.

Privilégiez les césures entre deux consonnes :

  • Exemple : com-/munication plutôt que co-/mmunication.

Dans les mots composés avec tiret, la césure se fait après le premier tiret.

  • Exemples : tire-/bouchon, boute-/en-train.
  • Exception : on ne coupe pas les « t » euphoniques.
    • Exemple : pense-t-il et non pense-/t-il.

Évitez les césures qui peuvent porter à mauvaise interprétation.

  • Exemple : conver-/sation plutôt que con-/versation.

Ne coupez pas les mots de moins de cinq lettres :

  • Exemple : sera plutôt que se-/ra.

Ne coupez pas entre deux voyelles :

  • Exemple : théo-/rique plutôt que thé-/orique.

Ne coupez avant ou après un « x » ou un « y » :

  • Exemple : complexi-/fier et non complex-/ifier.
  • Exceptions :
    • si la prononciation correspond à un son unique
      • Exemple : deux-/ièmement.
    • si la lettre est suivie d’une consonne
      • Exemple : pay-/san et non pa-/ysan.

Ne renvoyez pas à la ligne des syllabes muettes :

  • Exemple : lé-/gende et non légen-/de.

Autres types de retours à la ligne

N’allez pas à la ligne entre un nombre et son unité :

  • Exemple : 500 km et non 500 / km, Ier siècle / av. J.-C et non Ier / siècle av. J.-C.
  • Note : pour les mêmes raisons de compréhension, on ne coupera pas non plus une unité :
    • Exemple : siècle et non siè-/cle.

Par extension, on ne coupe pas non plus les numéros de téléphone, les heures et codes postaux.

  • Exemple : 13 h 37, et non 13 h / 37.
  • Exception : les dates peuvent être coupées, mais seulement au niveau du mois.
    • Exemple : 17 jan-/vier 2022.

Les grands nombres et nombres décimaux ne doivent pas être coupés.

  • Exemples : 100 000 et non 100 / 000, 3,14 et non 3,-/14.

Les abréviations et acronymes ne doivent pas être coupés :

  • Exemple : MMT et non M-/MT.

Ne coupez pas les titres.

  • Exemple : M. Dupont et non M. / Dupont.

Ne coupez pas les noms propres.

  • Exemple : Étienne et non É-/tienne.
  • Exception : si le prénom contient un tiret.
    • Exemple : Jean-/Pierre.

Le cas particulier de la ponctuation

Je sens que vous allez me maudire, car cette section déborde sur les compétences d’un correcteur, et en règle générale, on ne vous demandera pas de le faire, vous, mais plutôt le correcteur en amont ou la personne en charge du contrôle qualité après l’édition, alors je vais essayer d’être bref. Quand bien même, si vous arrivez à retenir quelques règles, vous aurez peut-être l’occasion de les appliquer.

À noter également que cela représente un avis personnel de notre équipe, et que même au sein de notre équipe, les avis divergent.

Les points d’interrogation ? et d’exclamation !

Nous choisissons de ne pas les laisser tout seul à la ligne, sauf rares exceptions (espace très limité).

  • Exemple : Viens / ici !, et non Viens ici / !

Dans le monde de l’édition professionnelle, cette position est celle des éditions Kana, tandis que les éditions Akata éditent systématiquement la ponctuation seule sur une ligne, même au milieu d’une même bulle.

Le cas de l’interro-exclamation : ?! ou !?

Dans les manga, on aime beaucoup abuser de ces ponctuations. Les deux formulations sont justes, mais on préférera généralement écrire ?! car l’interrogation devrait l’emporter sur l’exclamation. En effet, si vous criez, vous allez le voir dès le début de la phrase par le style accentué qui sera utilisé. En revanche, l’interrogation, vous ne la verrez qu’à la fin de la phrase, alors mettez-la en avant en premier, de préférence.

En clair, vous pouvez faire ce que vous voulez, à condition de rester cohérent (n’utilisez pas !? à un moment, puis ?! plus loin).

Les points de suspension

Ils peuvent être mis à la ligne tout seul, mais doivent être de préférence collés au mot précédent.

  • Exemple : Hein… ou Hein / …

Lorsqu’une phrase est tronquée à deux endroits de la page, on utilises des points de suspension ou ellipses en fin de phrase (sans espace avant) et début de phrase (suivi d’une espace).

Exemple :

  • Après avoir lu ce guide…
  • … je suis allé sur le Discord de la MMT…
  • … pour postuler en tant qu’éditeur.

Par ailleurs, on cherchera toujours à découper selon le sens (en règle générale, si la traduction a été correctement relue, c’est déjà le cas). Notez comme j’ai séparé ma phrase précédemment.

N’écrivez pas :

  • Après avoir lu ce…
  • … guide, je suis allé sur le Discord de la…
  • … MMT pour postuler en tant qu’éditeur.

D’ailleurs, un bon traducteur/correcteur n’hésitera pas à inverser l’ordre des phrases par rapport au support d’origine, si cela perd un meilleur découpage et/ou sonne mieux (et que ça n’a pas d’impact sur l’histoire).

À noter que ce guide est particulièrement orienté manga, compte tenu que dans les webtoons, les bulles sont très larges et les césures sont quasiment absentes. Ce type d’œuvre est particulièrement propice à un découpage selon le sens.

Enfin, par extension, si votre traduction ne contient pas de ponctuation, ajoutez un point ou des points de suspension à la fin selon le contexte, même si le texte d’origine (le japonais par exemple) n’en contient pas.

Cette règle est loin de faire consensus dans l’édition professionnelle. On la trouve, par exemple, aux éditions Kana, Panini, ou encore YenPress aux États-Unis, tandis que les éditions Ki-oon ne mettent pas de points de suspension de reprise, et que les éditions Akata ne mettent aucune ponctuation (ni dans la première bulle, ni en reprise de la deuxième).

Pour finir, précisons que nous supprimons les points de suspension présents en début de phrase (de par la VO) quand ils ne font pas suite à une reprise de phrase. On les rajoute parfois en fin de phrase, selon le contexte.

Combinaison de points de suspension et points d’interrogation et/ou d’exclamation

On commence tout d’abord par distinguer [… ?][… !] et [ ?…] [ !…] selon le sens de la phrase.

Il faut veiller au bon emplacement des points de suspension, qui est déterminé par le sens (c’est normalement au correcteur ou au traducteur d’y veiller) :

  • Lorsque la phrase est achevée, complète, les points de suspension sont mis après le point d’exclamation ou d’interrogation (la phrase est achevée avant d’être suspendue). Ils peuvent alors indiquer un temps d’attente, marquer la perplexité de celui qui parle, laisser transparaître un sous-entendu, etc. :
    • Exemple : T’as vu l’accident ?… C’est incroyable !… Je ne veux pas que tu viennes !… Pourquoi t’as fait ça ?…
  • Lorsqu’ils abrègent une énumération ou qu’ils signalent l’inachèvement ou l’interruption d’une phrase, les points de suspension précèdent les autres signes (on retrouve aussi parfois le tiret long —) :
    • Exemple : Cette traduction est remplie de fautes d’orthographe, de traductions approximatives, de contresens… ! Tu fais du scantrad par intérêt, par ennui, pour la gloire… ? T’as pris le… ? Est-ce que tu… ? Espèce d’enf… ! Je vais te… ! Ce n’est pas parce qu’avec moi… ! Tu veux vraiment… ?

Ainsi, on distingue le sens de « Tu veux vraiment ?… » et de « Tu veux vraiment… ? ». Avec « … ? », l’interrogation n’est pas formulée jusqu’au bout (parce que la personne cherche ses mots, hésite à poursuivre…, et la suspension pourrait être marquée, à l’oral et selon le contexte, par un étirement de la dernière syllabe), tandis qu’avec « ?… », l’interrogation est complète mais est suivie d’un temps de silence. La différence peut sembler subtile, mais elle montre bien l’importance de l’emplacement des points de suspension.

Au niveau de l’édition, vous pouvez découper « ?… » ainsi : ? / … (c’est parfois plus harmonieux).

Ces règles sont propres à la MiamMiam-Team, dans le monde de l’édition, on ne retrouve jamais le cas « ?… » ou « !… », et les cas « … ? » et « … ! » sont très souvent écrits sans l’espace typographique, certainement pour gagner de la place. Aux éditions Kana, il semblerait que ce cas ne se présente jamais, peut-être suppriment-ils tout simplement les points de suspension quand ils en rencontrent, pour ne laisser que l’interrogation ou/et l’exclamation ? Il est vrai qu’on rencontre le cas très souvent, mais ils n’apportent généralement pas grand chose.


À présent que ce guide (assez indigeste, il faut le reconnaître), est terminé, voici les règles principales à retenir :

  • On évite les césures, surtout deux lignes à la suite.
  • On coupe les mots selon les syllabes, dans la majorité des cas.
  • On ne coupe pas les nombres et/ou leurs unités.
  • On ne coupe pas les noms propres.
  • On ne laisse pas une ponctuation seule à la ligne, sauf des points de suspensions.
  • Les phrases interrompues le sont avec des points de suspensions en fin de phrase et en reprise de phrase.
  • On met toujours une ponctuation à la fin d’une phrase.

Nous allons à présent terminer la partie théorique avec des règles sur l’usage des polices.

< Les règles vitales | Les polices >