Petite aide au traducteur
Par Yakku
Ceux qui s’y sont déjà essayé le savent, le travail de traducteur, c’est quand même parfois la galère. Même si vous avez une bonne compréhension à la lecture de la langue depuis laquelle vous traduisez, il vous faudra faire preuve de vigilance pour ne pas tomber dans un des nombreux pièges que la tâche vous réserve. Dans ce guide, je vais vous expliquer ce à quoi il faut faire attention lorsqu’on traduit, et comment travailler en harmonie avec votre seigneur et maître… Le checkeur !
Construction de la phrase (évitez le mot à mot)
Chaque langue étant construite différemment, la construction de phrase peut fortement varier d’une langue à l’autre. Personnellement, j’ai tendance à me sentir un peu piégé par la tournure de phrase originale. Faire un premier jet, et ensuite revenir sur sa traduction sans tenir compte de la version originale est un bon moyen de s’en libérer. Évidemment, il faudra vérifier qu’au final, vous avez gardé le sens initial de la phrase…
Les expressions
Une des grosses erreurs que je vois en check, c’est la traduction littérale d’expression. Quand vous faites une traduction, assurez-vous toujours que le résultat final ait un sens. Si vous êtes sûr de votre traduction mot à mot, mais que la tournure finale est pour le moins étrange, c’est peut-être le signe que c’est une expression… ou alors que votre traduction, c’est de la quiche, c’est autre possibilité… Aussi, la prochaine fois que vous lirez « I smell a rat », ne vous demandez pas pourquoi on parle d’un rat qui pue, mais dites-vous qu’il y a peut-être « anguille sous roche ».
Faites vivre vos personnages
Si après traduction, une fillette de 5 ans parle comme un bouquin, c’est soit qu’elle est extrêmement précoce, soit que vous avez oublié qu’un enfant ne parle pas de la même manière qu’un adulte. Donner un style différent pour chaque personnage est une tâche extrêmement ardue, mais essayez de leur donner un peu de personnalité si vous en trouvez le moyen. Cela rajoutera une touche de naturel à votre traduction.
Les tics de langage
«Un tic de langage se dit de certaines habitudes de langage machinales ou inconscientes, parfois voulues et plus ou moins ridicules, que l’on a contractées généralement sans s’en apercevoir.» Voilà, merci Wikipédia ! C’est assez commun comme erreur, et on la retrouve souvent dans les traductions anglaises. Attention à ne pas vous faire piéger !
Par exemple, certains anglais raffolent du mot « just », mais vous n’avez pas besoin de traduire absolument le mot juste 3 fois par page, c’est un abus de langage.
La relecture
Quand j’ai postulé à la MMT, j’ai torché ma trad en une soirée et hop, je l’ai envoyée… et c’est passé… mais c’était un peu brut de décoffrage. Je suis repassé sur la trad après pour corriger. Morale de l’histoire : On est quand même gentil à la MMT… Relisez toujours votre travail ! {Note de la MMT : la traduction, bien que perfectible, était de très bonne qualité !). Le mieux, c’est de laisser un jour ou deux passer, histoire d’avoir un peu oublié sa trad, et ensuite de la relire. Les inepties qui vous paraissaient parfaitement valables au premier jet vont vous sauter aux yeux tels des botrucs enragés. Perso, je me relis généralement au moins 3 fois, mais vous pouvez vous relire 10, 20, 50 fois. Y’a pas d’limite !
La traduction intermédiaire est peut-être mauvaise
C’est une chose importante à comprendre quand vous traduisez, comme énormément de teams, d’une langue intermédiaire (Oui, je pense évidemment au Gabonais) vers le français, c’est que la traduction est peut-être/parfois/souvent de piètre qualité. Bah oui, la médiocrité n’est pas l’exclusivité des teams francophones, et ce sera donc votre job de lisser les erreurs laissées par la précédente traduction, donc ne lui accordez pas une confiance aveugle.
L’esprit plus que le sens
Il arrive parfois que dans un contexte, vous choisissiez de traduire une phrase par une autre qui n’a pas vraiment le même sens. J’avais par exemple traduit une bulle d’un commentaire négatif sur la police par “tout le monde déteste la police”. C’était assez loin du sens original, mais beaucoup plus parlant pour le français moyen. On appelle ça la localisation, parait-il. Alors que ce soit blagues, insultes, référence à des évènements, faites parfois preuve de créativité pour offrir une meilleure immersion. Je pense que certains seront en désaccord avec moi sur ce point, étant plus attaché à l’œuvre originale, mais j’assume. Après tout, il n’y a pas qu’une seule bonne traduction.
Restez cohérent
Veillez à réutiliser les mêmes termes, titres, noms, manières de s’exprimer, etc. au fur et à mesure que vous avancez dans la trad. Ça devient vite le bordel mine de rien, donc ça peut valoir la peine de se faire des notes comme ça, quand vous savez plus, hop, un ptit coup d’œil et c’est bon. C’est un peu chiant à faire, mais devoir fouiller les précédents chapitres pour retrouver le détail qui vous échappe, c’est pas fou non plus.
Ceci dit, si vous avez fait une erreur, ou que vous reprenez un projet en cours et que vous êtes en désaccord avec la tournure précédente, ne vous sentez pas obligé de continuer comme ça. Dans le doute, discutez-en avec les autres membres de l’équipe.
Il est également utile de s’accorder au départ sur le maintien des termes spécifiques à la langue originelle (-san, -kun, -nuna). Un p’tit échange au lancement du projet avec la team permet de se mettre d’accord, car ensuite cela devra être suivi sur toute la série !
Il vaut mieux également éviter au maximum les notes de trad, si un mot est difficile à appréhender vis-à-vis de la culture qu’il représente, peut-être qu’une recherche sur internet permettra de trouver un équivalent.
Tenez compte du contexte
Notre manière de parler change en fonction de nos émotions et de la situation. Que vous soyez au téléphone, discutiez avec un ami, etc. Tenez-en compte lorsque vous construisez votre phrase ! De même, quand vous calez pour traduire une phrase, prendre un moment pour réfléchir au contexte dans lequel l’action se déroule peut vous donner des pistes pour la comprendre. Certaines phrases ne sont parfois traductibles correctement que si vous avez une bonne compréhension de l’histoire. Je vous parlais de faire des notes pour vous y retrouver, essayez également, si c’est possible, d’avoir lu plusieurs chapitres en avance pour faire la traduction. Connaître le dénouement final vous aidera peut-être à comprendre des phrases qui paraissaient un peu énigmatiques au début.
Vous pouvez dégainer votre joker “appel à un ami” en sollicitant la bienveillance de votre team pour trouver ensemble le bon terme (sur l’une de nos séries, un terme a changé de traduction une demi-douzaine de fois avant que ça ne corresponde, et ce n’est que par la lecture des 15 chapitres suivants que le meilleur mot a été trouvé).
Et, au pire, si vous ne comprenez vraiment pas, mais que vous inventez un truc plausible, personne n’y verra rien ! C’est ça, le pouvoir du contexte! A utiliser vraiment en dernier recours quand même… Essayez de demander de l’aide avant d’en arriver là.
Zoom sur les sfx
Comment les traduire ? Il vaut mieux se mettre d’accord au préalable sur le mode de traduction des sfx. Voici les 3 possibilités :
- Ne pas les traduire (simple, non ?)
- Les traduire en sons et là, on rivalise de créativité
- Les traduire en mouvements : même si les anglais donnent un son, il peut être plus pertinent (compréhensible) de mettre un mouvement pour bien faire comprendre ce qui se passe. La vigilance sera de mettre ce mouvement à la 3ème personne du singulier (ou du pluriel, exemple de « papotent », en général il n’y a pas qu’une personne qui le fait dans son coin)
Il reste possible de combiner, il faut s’adapter au contexte et prioriser la lisibilité.
La trad, un travail d’équipe (généralement)
La traduction finale est la plupart du temps l’œuvre du binôme Trad-Check. Si vous êtes débutant, la version finale peut parfois être assez loin de votre version originale. Ce n’est pas très grave. L’important, c’est d’avoir la volonté de progresser. Certains se passent de check, pas toujours pour les bonnes raisons d’ailleurs, mais personnellement, j’apprécie l’apport que peut avoir un check compétent, même si on n’est rarement pas toujours d’accord. Et puis qui d’autre lirait mes blagues sinon ?
Voici comment je procède :
- Le traducteur produit le meilleur travail qu’il puisse. Votre but, c’est que le check n’ait rien à faire. D’ailleurs, faites-lui promettre que si ça arrive, il ou elle vous doit un truc, ça vous motivera !
- Le check annote les fautes qui en valent la peine, en expliquant pourquoi il a apporté la modification.
- Le traducteur relit le check annoté et prend connaissance des changements. Ça évite de refaire tout le temps les mêmes erreurs.
N’hésitez pas à poser des questions, et si vous n’êtes pas d’accord avec les changements effectués, de défendre votre point de vue. Si votre checkeur fonctionne différemment, n’hésitez pas à lui demander du feedback et demander à voir le check. Une bonne communication est très importante quand vous travaillez en équipe, et si vous ne vous sentez pas épanoui dans votre team, peut-être que vous devriez aller voir ailleurs si l’herbe y est plus verte… Pensez à vous remettre en question de temps en temps aussi. C’est pas toujours la faute des autres.
Voila. J’espère que cette lecture vous aura apporté quelque chose. Tout le monde n’a pas forcément le temps ni l’envie de s’approcher le plus possible d’une traduction professionnelle, et il n’y a pas à en rougir. Après tout, nous sommes tous bénévoles, et chacun aide selon ses capacités. Quant à moi, j’aime à croire que fournir un travail de qualité, c’est le meilleur moyen que nous avons de rendre hommage à l’œuvre et à son auteur.
Bonne continuation !